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Les déficits immunitaires primitifs peuvent se présenter à tout âge et avec des symptômes infectieux et/ou non infectieux

(inflammatoires, auto-immuns, allergiques, prolifératifs)

Par le Dr. Nizar Mahlaoui 

Références : Initial presenting manifestations in 16,486 patients with inborn errors of immunity include infections and noninfectious manifestations. J Allergy Clin Immunol. 2021 Nov;148(5):1332-1341.e5. doi: 10.1016/j.jaci.2021.04.015. Epub 2021 Apr 23. [Section « Translational and clinical immunology »] Julian Thalhammer, Gerhard Kindle, Alexandra Nieters, Stephan Rusch, Mikko R J Seppänen, Alain Fischer, Bodo Grimbacher, David Edgar, Matthew Buckland, Nizar Mahlaoui, Stephan Ehl, European Society for Immunodeficiencies Registry Working Party. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33895260/

 

Il est connu depuis longtemps que les patients avec un déficit immunitaire primitif (DIP) peuvent se présenter avec des symptômes de nature infectieuse, soit liés à des infections opportunistes (pneumocystose, BCGite…) soit à des infections banales mais récurrentes

et/ou compliquées et/ou répondant mal aux thérapeutiques habituelles. Depuis tout récemment, émergent des données pointant vers le fait que ces patients peuvent également se présenter avec des symptômes de nature non-infectieuses (inflammatoires, auto-immuns, allergiques, prolifératifs), isolés ou combinés avec des infections.

Les DIP sont des maladies rares, génétiques pour la plupart d’entre elles, du système immunitaire. Ils restent encore sous-diagnostiqués ou diagnostiqués avec retard. Les DIP sont diagnostiqués généralement dans l’enfance et l’adolescence mais ils peuvent apparaître à tout âge de la vie.

Les DIP peuvent être classés en grandes catégories en fonction des principales atteintes observées : (1) DIP humoraux (que l’on peut sous catégoriser en DICV — déficit immunitaire commun variable — et autres déficits humoraux — déficits en sous-classes d’IgG, déficit sélectif en IgA, Agammaglobulinémies…) ; (2) DIP cellulaires (avec atteintes syndromiques — Ataxie-Télangiectasie, Syndrome de Di George, Syndrome de Wiskott-Aldrich… — ou non) ; (3) DIP de l’immunité innée (neutropénies, défauts de fonction des macrophages, déficits en complément…).

 

Depuis 2004 en Europe et 2005 en France, sont collectées un certain nombre de données cliniques de patients suivis pour DIP dans le registre européen (ESID) auquel contribue le registre français (CEREDIH). Dans ce travail sont repris les 1ers symptômes documentés chez 16.486 enfants et adultes, ce qui est le plus important registre au monde. Les 1ers symptômes étaient de nature exclusivement infectieuse chez seulement 2/3 (68 %) des patients et exclusivement auto-immun, allergique ou inflammatoire chez 9 %. Chez 9 % des patients, une présentation conjointe avait été documentée. Les symptômes spécifiques à certains syndromes étaient présents au 1er plan chez 12 % des patients. De manière intéressante, 4 % des patients avaient seulement des anomalies biologiques (sans symptôme clinique). Une petite minorité avait été diagnostiquée avant tout symptôme dans le cadre d’une histoire familiale.

La distribution de ces différentes présentations varie beaucoup selon les grandes catégories de DIP. Ainsi, les manifestations non infectieuses étaient plus fréquentes chez les patients avec DIP cellulaires syndromiques et les DIP avec dysrégulation immunitaire. Un élément important pour rappeler que les DIP ne sont pas uniquement des pathologies pédiatriques et l’âge aux 1ers symptômes : < 6 ans chez 2/3 des patients mais > 18 ans chez ¼ d’entre eux.

Les auteurs rappellent donc qu’un focus exclusif sur les manifestations uniquement infectieuses pour penser à évoquer et rechercher un DIP pourrait causer un sous-diagnostic d’environ 25 % des patients qui pourraient n’avoir que des manifestations auto-immunes et/ou allergiques et/ou inflammatoires et/ou prolifératives bénignes ou malignes.

Dans le contexte de maladies rares pour lesquelles un retard diagnostique a un impact important sur les chances de survie et sur la qualité de vie des patients, ce travail vaut la peine

d’être connu.

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