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Maladie de Bruton : cohorte états-unienne de 240 cas

Par le Pr. Louis Jean COUDERC

A Registry Study of 240 Patients with X-Linked Agammaglobulinemia Living in the USA

HERNANDEZ-TRUJILLO V. et al.          J Clin Immunol 2023 ;43 :1468-147

L’agammaglobulinémie liée à l’X, décrite en 1952 par OC Bruton qui a donné son nom à la maladie, est secondaire à des mutations dans le gène d’une kinase appelée Bruton-Tyrosine-Kinase (BTK), responsables d’un blocage précoce du développement des lymphocytes B. Ceci entraine des taux très bas de lymphocytes B circulants, d’immunoglobulines sériques et une altération majeure de la production d’anticorps.

L’analyse des données du registre USIDNET qui regroupe 49 centres aux USA précise les manifestations et la prise en charge de ces malades ainsi que les modifications survenues depuis 15 ans, la précédente étude de ce même groupe ayant été publiée en 2006.

De ce long article, il est possible de retenir plusieurs informations concernant : 

1°) La démographie de la cohorte : 88,8% des malades étaient vivants ; 62% avaient des cas familiaux ; près d’un tiers (31%) avaient plus de 18 ans ; la part des sujets caucasiens (72,5%) était plus importante que dans la population américaine générale (59,3%) suggérant une difficulté d’accès aux soins pour certaines minorités ; un âge médian des premières manifestations de 0,8 an et un âge moyen au diagnostic de 2 ans

2°) Les mutations de la BTK : analysées chez 95% des malades, analyse plus fréquemment réalisée qu’en 2006 (59% des cas). A noter l’absence d’informations sur les diverses mutations et par conséquence sur d’éventuelles corrélations génotype-phénotype.

3°) Les infections : demeurent les manifestations les plus fréquentes, dominées par les pneumonies (56,2%) et les infections ORL (sinusite 54,6% et otite moyenne 54,2%). Un élément important est que malgré le traitement par IgG, des pneumonies continuent de survenir chez 40% des malades, les infections ORL voyant même leur nombre augmenter. Ces dernières ont conduit à ce que 12% des malades aient une amygdalectomie, proportion beaucoup plus élevée que dans la population générale. Les autres infections fréquentes sont cutanées (29,2%) et conjonctivales (25%). Malheureusement peu d’informations sont fournies concernant les septicémies (10%) et les infections opportunistes (8,3%). Les infections neuro-méningées ne sont pas rares : 7,5% de méningite, 5,8% d’encéphalite (souvent dues à des entérovirus), cette fréquence étant plus élevée que celle observée dans des études d’autres pays.  Des arthrites bactériennes sont notées chez 5,8% des cas. 

4°) Les manifestations non infectieuses : 

  • allergiques : elles sont fréquentes, chez 28% des malades, à type de rhinite chronique, eczéma, dermatose atopique. Quarante-quatre malades ont eu une manifestation allergique d’origine médicamenteuse, 7 d’origine alimentaire. Des manifestations anaphylactiques sont rapportées chez 4 malades (2 aux fruits de mer, 1 au venin d’abeille, 1 au triméthoprime-sulfamethoxazole).
  • respiratoires : bronchite, asthme et BPCO sont rapportés dans 51% des cas. A noter que 9% de malades avaient des bronchectasies, ne régressant pas malgré le traitement par immunoglobulines.
  • digestives : douleur abdominale et diarrhée sont signalées chez 40% des cas. Des maladies inflammatoires à type de maladie de Crohn ou de recto-colite hémorragique sont observées chez 5,8% des cas.
  • neurologiques : elles sont variées chez un tiers des malades, perte de mémoire, difficulté d’élocution, comitialité, retard intellectuel, difficulté scolaire.
  • rhumatologiques : des épisodes d’arthralgie et des douleurs diffuses sont mentionnées chez un quart des malades. Une dermatomyosite est rapportée chez 5 malades, dont 2 sont décédés d’une encéphalite associée suggérant la responsabilité d’un agent infectieux non identifié.
  • hématologiques : principalement à type de cytopénie chez 19% des sujets.
  • psychologiques : trouble de l’attention, hyperactivité, anxiété, dépression, idée suicidaire surviennent chez 7,5% des malades.
  • pathologies tumorales : rares, avec un cas respectivement de lymphome B, d’angiosarcome et de craniopharyngiome.

5°) Thérapeutique et évolution

  • IgG : l’immense majorité des patients (221/240,92%) étaient traités, deux fois plus fréquemment par voie IV que sous-cutanée. Le principal effet secondaire était des céphalées quasi constantes. Les autres complications ont été rares : 2 cas d’anaphylaxie et un cas respectivement d’insuffisance rénale, de méningite aseptique et de thrombose veineuse. 

Le traitement substitutif par IgG a un impact majeur sur la survie : les 11 malades non traités ayant une survie médiane de 16 ans vs 51 ans chez recevant le traitement. Le traitement par IgG diminue de 89% le risque de décès. Cependant il faut noter la persistance d’épisodes infectieux malgré le traitement substitutif.

  • antibiothérapie prophylactique : elle a été administrée à 58 (24%) des malades, dont 44 en continu, en association dans la quasi-totalité des cas à des IgG. Il n’a pas été mis en évidence de corrélation entre la survenue des infections et antibiothérapie prophylactique continue. Il n’est pas rapporté le développement de pathogènes résistants.
  • évolution :75% des patients étaient vivants 25 ans après le diagnostic. Les infections, neurologiques et respiratoires, sont la principale cause de décès. La plupart des décès sont anciens, survenus avant 1993. IL est très important de noter que depuis l’an 2000, un seul décès est enregistré dans cette cohorte

EN BREF 

1°) Les infections respiratoires et ORL sont les plus fréquentes, mais ne résument pas les pathologies infectieuses de ces malades qui ont aussi des maladies virales soulignant les interconnexions entre les mécanismes immunitaires de défense anti-infectieuse.

2°) Les manifestations allergiques sont fréquentes. Les manifestations tumorales sont rares.

3°) Le traitement substitutif par IgG permet un effondrement de la mortalité, mais ne supprime pas la survenue des épisode infectieux et n’a pas d’effet démontré sur les pathologies non-infectieuses, telles les dilatations des bronches.

4°) Les complications (infectieuses et non -infectieuses) atteignent quasiment tous les organes nécessitant une prise en charge multidisciplinaire autour de centres d’expertise.

5°) Le prix élevé des traitements continus par IgG, joint aux difficultés d’un approvisionnement régulier, conduit à discuter dans les pays émergents, la réalisation d’allogreffe de cellules-souches hématopoïétiques, beaucoup moins onéreuses.

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