L’allogreffe de cellules souches hémato- poïétiques peut aussi être un traitement curatif chez les patients adolescents et adultes avec un déficit immunitaire primitif : une étude épidémiologique rétrospective cas-témoin franco-britannique (2008-2018).
Par le Pr. Nizar MAHLAOUI
Cheminant M, Fox TA, Alligon M, Bouaziz O, Neven B, Moshous D, Blanche S, Guffroy A, Fieschi C, Malphettes M, Schleinitz N, Perlat A, Viallard JF, Dhedin N, Sarrot-Reynauld F, Durieu I, Humbert S, Fouyssac F, Barlogis V, Carpenter B, Hough RE, Laurence ADJ, Marçais A, Chakraverty R, Hermine O, Fischer A, Burns SO, Mahlaoui N, Morris EC, Suarez F.
Blood. 2022 Aug 10:blood.2022015482. doi: 10.1182/blood.2022015482. Online ahead of print. PMID: 36167031
Parmi les plus de 550 déficits immunitaires primitifs (DIP, également appelés héréditaires, DIH) actuellement décrits, les plus sévères peuvent être traités par allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH, communément appelée greffe de moelle osseuse). Les premiers patients chez qui l’efficacité à long terme de l’allogreffe de CSH a été démontrée en 1968 aux USA et en 1970 en Europe étaient des nourrissons avec un DIH (Déficit Immunitaire Combiné Sévère, DICS, communément appelé « bébé-bulle » et Syndrome de Wiskott-Aldrich — qui associe classiquement la triade suivante : eczéma sévère, infections répétées et micro-thrombocytopénie chez un garçon car maladie liée à l’X).
Depuis lors, de nombreux enfants avec des formes sévères de DIH ont été guéris par cette approche thérapeutique. Néanmoins, en grandissant, les enfants non allogreffés car peu symptomatiques initialement ont au cours du temps développé des complications de diverses natures (infectieuse ± auto-immunes ± inflammatoires ± onco-hématologiques) à l’âge adulte, ce qui a conduit à progressivement étendre les indications à ce groupe d’âge — initialement d’abord aux patients avec une granulomatose septique chronique (CGD), déficit de l’immunité innée), ce qui ne va pas sans poser de questions quant aux indications, notamment à quel moment proposer l’allogreffe de CSH.
Ce travail franco-britannique mené par le Centre de Référence des DIH (CEREDIH, Hôpital Necker-Enfants malades, Paris) et le Royal Free Hospital (Londres) est une étude rétrospective avec appariement de 281 patients âges de 15 ans et plus avec un DIH sévère, transplantés entre 2008 et 2018 (FR et UK, n = 79) et non-transplantés (FR, issus du registre français du CEREDIH, n = 202). La sélection des témoins pour réaliser l’appariement a été fait à l’aveugle et sans remise afin de sélectionner 3 témoins pour 1 cas sur les critères suivants : décennie de naissance, âge aux dernières nouvelles du témoin postérieur à l’âge du cas à l’allogreffe, type de DIH (CGD vs. autres DIH, notamment les Déficits Immunitaires Combinés ou DIH avec auto-immunité prédominante).
- L’âge médian à l’allogreffe était de 21 ans.
- Les indications principales étaient un syndrome lymphoprolifératif ou une colite inflammatoire.
- Le suivi médian était de 4, 8 ans.
- La mortalité à 1 an liée à la greffe était de 13 %.
- La survie sans maladie à 5 ans était plus importante chez les patients allogreffés que chez les non transplantés (58 % vs. 33 %, p = 0,007).
- En effet, les non transplantés présentaient une augmentation du nombre cumulé moyen d’évènements récurrents en comparaison des patients allogreffés.
- Ces résultats ont été confirmés par différentes analyses de sensibilité.
En conclusion, malgré sa toxicité, l’allogreffe de CSH chez les patients de 15 ans et plus ayant un DIH sévère permet une prévention des complications/co-morbidités associés au DIH, ce qui doit inciter les médecins d’adultes à discuter de cette approche thérapeutique avec les médecins référents de DIH et confier ces patients à des équipes expertes à la fois dans le domaine de l’allogreffe de CSH et dans celui des DIH, car ces patients présentent des spécificités tout à fait particulières.
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